La renaissance du Platt
Dans les rencontres et la vie quotidienne, il facilite le contact, l’échange et la convivialité par certaines expressions cocasses, parfois intraduisibles. Pourtant, en voie d’extinction depuis des années, le Platt résiste en Moselle et revient au Luxembourg.
Le Platt parvient à résister dans quelques coins de Moselle, comme à Sarreguemines et dans le Bitcherland, où il est pratiqué couramment. Il fait même un retour en force au Pays des Trois Frontières depuis qu’il est devenu langue officielle au Luxembourg.
Des aires géographiques précises pour le francique ou Platt
On trouve trois aires géographiques où le Platt est parlé avec autant de variantes, à savoir le francique luxembourgeois au Luxembourg et dans le secteur de Thionville, le francique mosellan à Bouzonville et à Boulay-Moselle et enfin le francique rhénan vers Saint-Avold, Sarreguemines et Bitche. Ces trois aires linguistiques sont séparées des zones de langue française et lorraine par une diagonale virtuelle marquée, presque immuable depuis le IXème siècle et qui passe au Sud de Boulay et de Faulquemont. On la retrouve d’ailleurs dans la toponymie locale et les dénominations de Nied française et de Nied allemande par exemple. Une ligne Creutzwald-Saint-Avold-Faulquemont sépare de même le francique mosellan du francique rhénan. Le francique luxembourgeois se distingue des autres par des variantes de prononciation, ou isoglosses, avec par exemple « Apel » au lieu de « Apfel » pour dire « pomme ». Ces frontières linguistiques remonteraient à l’époque des invasions franques, à la densité des peuplements et à leur fixation, remarquablement stables au cours des siècles. Au VIIIème siècle avant J-C, les Celtes occupaient des territoires allant de l’Autriche, de la Germanie méridionale, de l’Italie du Nord jusqu’à l’océan Atlantique et aux îles britanniques. Au Ier siècle avant J-C, des tribus germaniques s’installèrent en Alsace et dans une partie de la Lorraine, avant de devenir romaines. Mais les langues celtes et germaniques se sont maintenues. Si bien qu’à l’Est d’une ligne suivant la crête des Vosges jusque dans les environs de Sarrebourg et englobant l’Alsace, la Moselle francique, le Luxembourg, la Sarre ou encore le Palatinat, les langues germaniques s’affirmèrent définitivement comme langues de nos pays aux VIIème et VIIIème siècle après J-C. Elles constituent donc des idiomes parlés depuis quinze siècles en Lorraine germanophone. En réalité, le francique, qui est une langue germanique, est le parler des Francs et n’a par conséquent rien à voir avec le français. Le roman vient quant à lui du latin. Le Français est donc issu des parlers romans.
Disparition dans le Pays Thionvilllois
Il y a un encore demi-siècle, le Pays thionvillois parlait naturellement le Platt. Dans les campagnes, la distinction était très claire. On parlait le français dans les salles de classe, le Platt dans les salles à manger et les jardins. L’emprise de la sidérurgie sur le secteur, avec son flot d’ingénieurs et de cadres venus de toute la France et de travailleurs immigrés venus de l’ensemble du pourtour méditerranéen, ne fit que renforcer une tendance inévitable. Le Platt était alors condamné à se noyer dans le melting-pot culturel et social du «Texas lorrain». Car la génération du baby-boom n’a pas pris soin de le transmettre à ses petits-enfants sous la pression française visant à discréditer cette langue germanique, afin de souder de manière artificielle l’idée d’une véritable nation en gommant les identités et les particularités régionales. Un travail d’éducation que certains grands-parents ont malgré tout tenté de mener, sans trop de réussite. Si bien que dans les années 1980, seuls quelques rares îlots de Platt subsistaient encore dans la région thionvilloise. Ils se limitaient pour l’essentiel à quelques têtes blanches, disséminées dans les hameaux situés près de la frontière luxembourgeoise et dans l’arrière-pays sierckois.
Action de sauvetage à Sarreguemines avec le Festival Mir redde Platt
Face à ce terrible constat, la ville de Sarreguemines a créé en 1993 des classes paritaires bilingues dès la maternelle, ainsi que le Festival du Platt en 1998. De même, afin de sauvegarder ce magnifique patrimoine culturel, des initiatives ont permis de relancer un certain intérêt au sein de la population. La création d’un pôle du francique au sein de la médiathèque intercommunale, les soirées de théâtre en dialecte ou carnavalesques qui affichent complet démontrent qu’une dynamique est en marche. Le Festival Mir redde Platt (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/20../../festival-mir-redde-platt-a-sarreguemines/) entend en être la pierre angulaire. Il s’agit d’ailleurs du seul rendez-vous consacré à une langue régionale dans l’Est de la France. Il permet de rendre visibles et audibles les expressions artistiques qui s’épanouissent dans cette langue minoritaire, qui reste l’une des plus vivantes de France. A noter que les organisateurs du festival veillent à ne pas s’adresser uniquement aux locuteurs du Platt. Cette année, le festival sarregueminois a opéré un virage en s’intéressant à la province roumaine du Banat, dans laquelle les descendants des migrants mosellans parlent encore et toujours le Platt depuis qu’ils l’ont importé à partir du XVIIIème siècle.
Le Luxembourg a vraiment changé le donne
En attendant, en Lorraine, c’est véritablement le Luxembourg qui a changé la donne. Ce dernier s’est en effet remis plus vite que la Lorraine du choc de l’après-sidérurgie et a attiré de plus en plus de main-d’œuvre frontalière. Mais le fait le plus marquant reste la décision du Grand-duché en 1984 de faire du francique luxembourgeois l’une de ses trois langues officielles, avec l’allemand et le français, et d’en promouvoir activement la pratique sur son sol. Si bien qu’aujourd’hui le luxembourgeois a plus que jamais la cote ! Les cours du soir se multiplient et affichent souvent complet. De même, certaines communes, à l’exemple de Roussy-le-Village, prônent l’enseignement du luxembourgeois dès l’école primaire. Le cas de figure est probablement unique.
C’est celui d’une terre qui avait perdu sa langue et qui s’efforce aujourd’hui d’en réapprendre les rudiments, du fait des changements socio-économiques et parce que le Platt est devenu entre-temps la langue officielle du pays voisin, celui justement où tout le monde va désormais travailler. (Source : presse régionale)
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